PARIS - Les radiologues accueilleraient volontiers un consensus sur les risques liés à l'utilisation des agents de contraste à base de gadolinium (Gd-CA) pour la santé des patients. Or les recommandations publiées par l'Agence européenne du médicament de 2010 en font s'interroger plus d'un sur la manière d'imager les patients tout en réduisant le risque de fibrose systémique néphrogénique.
"Personne n'est pour l'idée du dépistage universel des patients, trop compliqué et onéreux," a déclaré le docteur Olivier Clément, qui dirige le groupe de travail de la Société Française de Radiologie (SFR) chargé de guider l'utilisation de produits de contraste en IRM.
M. Clément a expliqué la décision européenne à ses collègues pendant une table ronde lors des Journées Françaises de Radiologie (JFR), le congrès annuel de la SFR. Présidant les discussions, l'expert a tenté avec les spécialistes présents d'esquisser des directives concernant l'utilisation des agents de contraste en routine clinique. Dans ce contexte, un article de Sena et al, qui confirme l'efficacité totale des six questions du questionnaire Choyke pour dépister les patients en évaluant leur fonction rénale avant d'administrer du Gd-CA est le bienvenu, selon les intervenants (American Journal of Radiology, août 2010, Vol. 195:2, pp. 424-428).
Moins coûteuse qu'une analyse sanguine, ce questionnaire sera probablement inclus dans les directives de la SFR. Mais il ne semble pas offrir toutes les réponses, et les débats lors de la séance des JFR ont porté sur les questions, nombreuses, qui attendent le groupe de travail. Le docteur Elisabeth Schouman-Claeys de l'Hôpital Bichat à Paris a ainsi relevé plusieurs difficultés, notamment concernant la personne devant effectuer le test: s'agit-il du médecin référent ou du radiologue au moment de l'examen? Les radiologues devraient également savoir qui a rempli le questionnaire pour le patient, a-t-elle fait valoir.
Le docteur Luc Frimat, directeur du groupe de néphrologie à l'Hôpital de Brabois à Nancy, a suggéré que la solution pourrait être de pratiquer un test d'urine au moment de l'examen. "S'il y a présence de protéines dans l'urine, un niveau de dysfonctionnement rénal est évident," a-t-il déclaré, soulignant que le test coûtait à peine deux euros comparé à d'autres tests de laboratoire plus chers et longs.
Pour M. Clément, ce test présente un potentiel intriguant et vaut la peine d'être exploré, mais son résultat immédiat positif ou négatif ne renseigne pas le radiologue sur la nature de la maladie rénale du patient, une information qui permettrait de décider quel Gd-CA administrer et à quelle dose. La littérature et l'expérience clinique offrent à présent une matrice complexe, avec d'un côté trois groupes de patients à risque décrivant la fonction rénale, et de l'autre trois groupes à risque selon les agents de contraste.
Peu après la publication du néphrologue autrichien Thomas Grobner, une "bombe" qui a fait voler en éclat la compréhension des effets du gadolinium par les radiologues selon M. Clément, le Comité européen d'évaluation des médicaments à usage humain (CHMP) a distingué trois groupes pour les neuf états chimiques du Gd-CA (Nephrology Dialusos Transplantation, avril 2006, Vol. 21:4, pp. 1104-1108).
Dans sa présentation, le radiologue a indiqué que la décision prise par l'Agence européenne du médicament en juillet 2010 avait déterminé l'évaluation suivante: les chélates linéaires gadoversétamide (OptiMark), gadodiamide (Omniscan) et gadopentétate de diméglumine (Magnevist) présentaient un risque élevé ; les chélates linéaires gadofosveset trisodique (Vasovist), gadoxétate disodique (Primovist) et gadobénate de diméglumine (MultiHance) un risque moyen ; et les chélates macrocycliques comme le gadotérate de méglumine (Dotarem), gadotéridol (ProHance) et gadobutrol (Gadovist), un risque faible.
Le cœur des discussions porte sur les chélates considérés à moyen risque et les patients présentant un risque d'insuffisance rénale modéré. "Est-ce qu'il suffit d'interroger le patient via le questionnaire? Doit-on regarder les niveaux de créatine du patient?" a interrogé l'expert. "Cela devient compliqué car cela change nos habitudes et a des conséquences sur le déroulement du travail."
Dans un entretien à AuntMinnieEurope.com après la session, M. Clément a donné quelques exemples inspirés de cas réels pour illustrer le dilemme des radiologues.
"Si, par jour, vous avez 10 patientes âgées de 40 ans qui sont examinées pour des fibrome utérins après une embolie, vous savez qu'elles n'ont pas d'insuffisance rénale. Est-ce qu'on va pour autant devoir interrompre notre travail avec un test sanguin obligatoire?" a-t-il demandé. "Et si vous savez qu'un patient a une insuffisance rénale mais que le planning exige qu'il reçoive des injections à 7 jours d'intervalle, pouvez-vous tout de même lui faire une injection?"
Lorsqu'une indication pour une injection de gadolinium existe et qu'un radiologue administre un agent macrocyclique à faible risque, la question porte alors sur la dose à injecter, a-t-il ajouté. "Si, par exemple, l'insuffisance rénale se situe en dessous de 30mL/min, vous pourrez seulement utiliser une dose," a-t-il expliqué.
L'utilisation du questionnaire Choyke est prometteuse mais demande de plus amples recherches, a estimé le radiologue, indiquant ainsi la direction qu'allait prendre le groupe de travail de la SFR sur les directives d'utilisation des agents de contraste en IRM.